La Gageure de Pierrot

Date

1718 (20 février)

Lieu

Foire Saint-Germain

Sources

BnF fr. 9335, ff. 380-410 et Archives nationales, AJ/13/1034.

Texte

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Remarques

Cette pièce nous est connue par deux manuscrits : BnF fr. 9335, ff. 380-410, et Archives nationales AJ/13/1034. Aucun des deux n’est autographe, aucun des deux ne comporte d’indications d’airs. La comparaison des deux manuscrits permet de déterminer que le fr. 9335 est en fait une copie de l’AJ/13/1034. En effet, à plusieurs endroits, il y manque des vers qui figurent dans l’AJ/13/1034.

Les frères Parfaict indiquent que La Gageure de Pierrot fut jouée en ouverture de la foire Saint-Germain de 1718 (MFP, I, 202-203). Cette affirmation n’est sans doute pas exacte, puisque le manuscrit État des pièces, note que le Régent vint à la première représentation le 20 février ; de plus, le manuscrit du censeur porte la date du 18 février.

À la gloire de Pierrot-Hamoche

Comme l’année précédente avec Pierrot furieux, Fuzelier donne à Hamoche un grand rôle avec La Gageure de Pierrot. Le personnage emblématique de la Foire est au cœur de la pièce. Il y dévoile le caractère qui sera régulièrement le sien à l’avenir: celui d’un paysan malin.

Pierrot aime Lisette, qui l’aime; mais il faut obtenir le consentement du père, et ce consentement passe par la finance. Pierrot vient de gagner à la loterie, mais la somme est encore insuffisante. Il gage donc avec chacun des deux autres prétendants, Arlequin et Nicaise, la même somme que celle qu’il possède déjà, cinquante pistoles, qu’il épousera Lisette; il se présente ensuite devant le père et, en somme, lui expose la situation: s’il épouse Lisette, il rafle, en plus des cinquante pistoles qu’il possède déjà, celles d’Arlequin et celles de Groscolas; bien que, s’il gagne la gageure, chacun des deux prétendants (qui possède déjà cent pistoles) ait autant que Pierrot, le père juge en faveur du bon tour d’esprit, et Pierrot épouse Lisette.

Dans Pierrot furieux, Hamoche avait deux grands pots-pourris; ici, il a deux scènes du même genre, où s’entremêlent des passages de l’opéra Bellérophon et des vaudevilles, la première avec Lisette, la seconde seul. L’opéra venait d’être repris, et il s’agissait d’un moyen original d’y faire allusion sans le parodier.

Un critique sévère

Dans sa lettre sur les spectacles forains, Boindin rend compte de ce qu’il a vu en 1718 à la foire Saint-Germain, et en particulier de La Gageure de Pierrot, qu’il analyse en détail « pour faire voir que l’auteur n’en a pas tiré tout ce qu’il pouvait et qu’il lui a même fait perdre une partie de ses agréments par la manière dont il l’a traité » (Lettres historiques…, « Quatrième lettre historique », p. 9-10). Il juge en particulier que Pierrot aurait dû réunir davantage d’argent que ses rivaux afin de les éliminer totalement; il trouve la scène parodiée, tout comme les scènes épisodiques entre Chonchette, Nanette et Coline, « absolument postiches » (Boindin, p. 17) et ajoute: « vous me permettrez, s’il vous plaît, de n’en pas parler ».

Ces scènes nous paraissent, tout au contraire, très caractéristique du genre de pièces foraines pratiqué par Fuzelier, qui vise au divertissement ; Boindin — c’est manifeste à le lire — attache beaucoup d’importance aux règles de composition dramatique, à la conduite de l’action, et ne perçoit pas que ce n’est pas là le but recherché par les spectacles des foires, que Fuzelier défend comme leur étant particulier, relevant d’un « comique badin » (Bibliothèque-Musée de l’Opéra de Paris, Fonds Favart, Carton I, C,7, « Éclaircissements au sujet de la régie de l’Opéra-Comique pour le compte de l’Académie royale de musique ».) qui, en dehors des foires, serait inconnu; il tient sans doute aussi à ce caractère parfois un peu lâche de la conduite dramatique.