Les Deux Commères

Date

0

Lieu

non représenté

Sources

BnF fr. 9333 ff 120-143.

Texte

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Remarques

Plusieurs éléments nous portent à croire cette pièce de 1717. On y trouve une citation d’Hypermnestre de Gervais et La Font : à la scène 12, Madame Citrouillac « arrive en chantant “À l’amour en ce jour” ou quelque air léger de l’opéra qu’on jouera” ». La mention « quelque opéra qu’on jouera » indique qu’il faut prendre un opéra contemporain de la pièce, probablement un opéra nouveau, et que donc la pièce a été écrite au temps de représentations d’Hypermnestre, dont l’air « À l’amour en ce jour » est tiré. Cet opéra n’a été représenté qu’à partir de novembre 1716 ; en janvier 1717, il est retiré de la scène pour être remanié, puis il est repris à partir de mai 1717. La prudence dont faire preuve Fuzelier en indiquant de chanter un air d’un opéra qui est joué s’expliquerait bien par l’éclipse provisoire d’Hypermnestre : écrivant sa pièce, l’auteur s’imaginait peut-être que Gervais et La Font retireraient à nouveau leur œuvre ou qu’elle ne se soutiendrait pas.

La pièce contient également de nombreuses citations de Tancrède de Campra et Danchet, qui a été repris à partir du 8 juin 1717. Or, cet opéra n’est pas aussi fréquent sur la scène de l’Académie royale de musique qu’on pourrait le croire : les dernières représentations datent de 1707, les suivantes de 1729. De plus, madame Simone arrive à la scène 8 en chantant un air de Tancrède, comme plus loin dans la pièce sa « commère » un air d’Hypermnestre ; nous pensons donc que les deux airs doivent être similaires, c’est-à-dire tirés d’opéras du temps.

La forme de l’œuvre, en prose et vaudevilles, est assez semblable à celles des autres œuvres de 1717, en particulier à La Vie est un songe. Dans les deux pièces, les vaudevilles sont régulièrement entrecoupés de phrases en prose, une caractéristique beaucoup plus rare dans les pièces foraines d’après 1720.

En revanche, la présence, à la scène 2, de l’air « Sur Ragonde », qu’il nous semble tout à fait possible d’identifier à celui intitulé « Sainte Radegonde » : la métrique, très particulière, est identique. Or, cet air, dont nous n’avons pas pu trouver trace ailleurs, n’apparaît pour la première chez Fuzelier qu’en 1729, dans L’Enfer galant (Fuzelier l’emploie ensuite régulièrement jusqu’en 1744). En mai 1728, le Mercure annonce qu’on va reprendre, dès le mois de juin, Hypermnestre (p. 1019), ce que confirme le Mercure de juin (p. 1440) ; c’est à cette occasion que Biancolelli et Romagnesi donnent à la Comédie-Italienne la parodie La Bonne Femme. Cependant, il faut attendre le 30 mars 1729 pour voir représenter Tancrède, annoncé par le Mercure dès janvier pour prendre la suite d’Alceste (Mercure de France, janvier 1729, p. 151.) ; il ne semble donc pas qu’en 1728-1729, les reprises d’Hypermnestre aient croisé celles de Tancrède comme en 1717. De plus, d’un point de vue formel, les deux autres pièces de 1729, Pierrot Céladon et L’Enfer galant, présentent bien moins de vaudevilles entrecoupés de proses que les pièces des années 1716-1717.

Enfin, Les Deux Commères donnent un beau rôle à Arlequin, ce qui n’est le cas ni dans Pierrot Céladon, ni, semble-t-il, dans L’Enfer galant.